Scénario 3: Porquerolles en transition/ Relation Homme - Nature humble et adaptative
Contexte : montée régulière du niveau de la mer maintenue / décélération de la consommation de matière première et de l’énergie, recentrage du monde sur le bien être du vivant, partage des ressources pour éviter un chaos monstrueux, baisse du productivisme, ingénierie écologique à petite échelle, grand partage des savoir-faire, coopération étroite avec la nature seule garante d’un avenir possible. vision de la nature en mutation permanente, observation de son adaptation au jour le jour et des interactions entre être vivants. Acceptation de mourir ou de muter en permanence.
Solution basée sur l’observation des interactions spontanées entre les êtres vivants : variations des habitats, des chaines trophiques, des blooms d’espèces. Système d’exploitation minimaliste de la nature mais global : terre et mer, plaine et forêt. Les interventions qu’on se permet pour stimuler la production végétale ou animale sont limitées. Par exemple arroser quelques parcelles de jardin avec un système de canaux semi enterrés et des réservoirs d’eau pluviale. Le tourisme est présent car peu de revenu lié à l’agriculture : tourisme à la journée, encadré, intimiste. Toutes les activités humaines sont quasi réversibles : habitat auto construit, à partir de matériaux locaux. Population poly active : tourisme, pêche, cueillette, art, un peu de tourisme : cure festive. Exigence pour l’agriculture plus importante que le bio d’aujourd’hui.
RECIT
Journal de Michèle. 4 mai 2020
3h du matin impossible de me rendormir. Sept semaines de confinement et des centaines de pensées et d’idées qui se bousculent dans ma tête !
Porquerolles en 2050, c’est le pensum auquel je dois faire face et que j’évite tous les jours alors que j’avais tout mon temps pour y réfléchir.
Quand le sujet est arrivé dans nos devoirs à rendre (à la suite d’un nombre incalculable de réunions), le Corona virus n’avait pas encore fait son apparition et notre petit groupe - qui devait envisager l’avenir de l’île en fonction d’une adaptation de l’homme et de la nature au réchauffement climatique - était rempli de certitudes et d’idées géniales !
Mais voilà ! Tout est chamboulé… Heureux ceux qui planchent sur le scénario catastrophe !
Cela dit, cette parenthèse obligatoire nous a offert une occasion de retrouver Porquerolles telle que je l’avais connue dans ma jeunesse et que j’ai évoqué dans les expositions que l’association proposait sur la vie de l’île avant l’arrivée du tourisme massif.
Bref, cet isolement que nous sommes en train de vivre donne un peu l’espoir que l’on pourrait repartir à zéro et en profiter pour en changer le mode d’emploi. Les événements nous ont fait toucher du doigt que tout peut arriver.
Comment envisager cette adaptation de l’homme au changement de la nature ? Il faut bien se rendre compte que 30 ans c’est peu de choses et que tout peut aller très vite.
Dans un premier temps, il faudrait que les autorités qui gouvernent l’île (Parc, Métropole, Mairie) se mettent enfin d’accord sur un plan d’action et qu’ils le mettent rapidement en place, sans se préoccuper des lobbys qui ne manqueront pas de faire pression.
PORQUEROLLES, Mai 2050 Journal d'Elsa:
Je viens de retrouver une sorte de grand cahier de brouillon écrit par ma grand-mère en 2020 lors de cette épidémie de coronavirus qui avait forcé les gens à rester confinés chez eux pendant deux mois.
Elle se posait beaucoup de questions sur l’avenir de l’île et bizarrement c’est moi qui ai vécu les transformations que cet épisode avait généré. En effet, ces événements avaient fait réfléchir les autorités compétentes et dès l’été, des mesures ont été prises pour réduire la fréquentation excessive à laquelle Porquerolles était confrontée depuis plusieurs années :
-Réduction du nombre de navette et respect des horaires
-Réduction également des bateaux venant d’autres ports que celui de la tour fondue
-Limitation du nombre de vélo à louer
-Respect d’espacements sur les plages entre les vacancier
Ceci était pour les mesures immédiates prises en fonction des données sanitaire. Ensuite, dans l’année qui a suivi, de nombreuses réunions ont eu lieu afin d’engager une réflexion sur la gestion du réchauffement climatique qui semblait inévitable malgré tout.
Dès 2022 à la suite de ces discussions, on a décidé l’établissement d’un plan quinquennal.
POUR UN TOURISME RAISONNÉ :
- Réservation par internet pour les passages de bateau avec un nombre limité de places.
- Matérialisation des entrées de Parc
- Un nombre optimum de vélos pour les loueurs et paiement d’une petite redevance pour l’entretien et la surveillance du parc.
- Limitation des vélos électriques (seulement pour les personnes ayant des difficultés de mobilité)
- Pas de passage de vélos sur les navettes, sauf pour les habitants
- Limitation des mouillages devant les plages. Interdit pour les bateaux non équipés de bacs d’eaux grises.
- Surveillance accrue pour le respect de la réglementation sur terre et sur mer
- Limitation du nombre de places de bateaux au port. La longueur des grosses unités est fixée à 25m maximum et pour seulement quelques places
PRÉPARATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : 2025 -2030
- Création au sein du conservatoire botanique d’un laboratoire dédié à des essais sur des plantes aromatiques et médicinales susceptibles de résister à la sécheresse et aux variations de température et d’hygrométrie.
- Débuts de plantations d’arbres tels que caroubiers, grenadiers, pistachiers, arganier et agrumes plus résistants et mieux adaptés à un climat méditerranéen plus sec.
L’EAU, LA PRIORITÉ
Bien qu’un sea-line ait été installé dès 2021, en prévision d’une pénurie d’eau sur le continent, on a réaménagé de nombreuses retenues d’eau collinaires ; des citernes pour recueillir les eaux de pluie ; instauré un système performant de recyclage des eaux usées et de fortes incitations à économiser l’eau. On commence à envisager des petites unités de désalinisation de l’eau de mer.
ÉCONOMIES D’ÉNERGIE
Depuis quelques années on a commencé progressivement l’isolement des bâtiments individuels et collectifs pour éviter chauffage et climatisation.
Quelques éoliennes à axe vertical sont implantées sur certains points de l’île.
Les Bâtiments de France ont finalement autorisé les panneaux solaires individuels et l’implantation d’un petit parc de panneaux disposés dans l’ancienne aire de brûlage réhabilitée, ce qui a permis une part d’autonomie.
ADAPTATION DES CULTURES
Après les études entreprises par le conservatoire botanique des espèces adaptées à un climat plus chaud ont été plantées afin de maintenir une agriculture pérenne et rentable.
On a ainsi cultivé des champs d’Aloe-Vera, d’armoise, d’immortelles et de pois-chiches (qui ont l’avantage d’être sans gluten). La vigne et l’olivier restent les principales ressources.
Le sol, enrichi par le compostage de déchets, est couplé avec une ferme à lombrics.
On continue à cultiver des jardins-potagers compatibles avec le réchauffement climatique en permaculture.
ADAPTATION DU TOURISME
Maintien d’un tourisme raisonné à la recherche de proximité avec la nature.
Il faut retenir son passage pour le bateau par Internet. Seuls sont autorisés les départs depuis les ports les plus proches de Porquerolles. Les bateaux sont limités en capacité et en nombre de rotation.
Les vélos de location sont munis d’un badge électronique pour entrer sur le domaine et contribue à une redevance forfaitaire servant à l’entretien du parc (chemins et forêts).
Côté mer, la pêche individuelle autour de l’île est interdite sauf pour les habitants.
Le mouillage des bateaux (qui doivent être propres) est réglementé, se fait sur bouées à tarif progressif pour éviter le camping nautique et on commence à expérimenter des stations de mouillage en mer (plate-forme) afin de préserver la faune sous-marine qui a évoluée. Il y a plus de méduses et de nouvelles espèces tropicales sont apparues.
Sur les plages, on expérimente des filets anti-méduse.
Seuls sont autorisés les sports nautiques non motorisés et on organise des visites de sentier sous-marin.
LE BILAN EN 2050
Un grand changement a eu lieu en 2038 dans la gouvernance de l’île de Porquerolles : Le parc est devenu le gestionnaire unique des îles. Les décisions sont prises en partenariat avec un Conseil des Îles qui a son président et ses accesseurs élus par les habitants. Cela a permis de faciliter les décisions, l’Etat ayant décidé de faire des îles des territoires exemplaires.
Entre 2040 et 2050, le niveau de la mer est monté, les plages ont en grande partie disparu. Le double Tombolo a disparu, Giens est devenue une île. La traversée pour Porquerolles se fait maintenant depuis le port d’Hyères ou de Carqueiranne ; elle est plus longue et plus chère.
LA VIE DU VILLAGE
Les fortes chaleurs de l’été ont changé les comportements et ont favorisé des séjours hors saison d’été.
Le port de Porquerolles, du fait de la montée des eaux, a dû s’adapter. Une haute jetée le protège des tempêtes.
De la même façon, les commerces et habitations proches du rivage ont été reclassés dans des parties plus hautes, ce qui a créé une deuxième zone villageoise principalement dans les anciens bâtiments militaires (IGESA) et permis de loger les habitants et les saisonniers, tout en gardant une petite structure hôtelière.
Également sous Ste Agathe, outre quelques maisons, on trouve des ruelles avec des ateliers pour les artisans et un petit laboratoire pour fabriquer des huiles essentielles à partir des plantations mises en place dans les décennies précédentes.
Le modèle touristique ayant changé, un nouvel essor économique a été généré par les dispositions mises en place auparavant.
Désormais l’île possède son moulin à huile, elle exporte toujours son huile d’olive et son vin. Grâce aux caroubiers on valorise des produits dérivés : farine (biscuits sans gluten), bière, miel et sirop de caroube qui peuvent être vendus sur place aux visiteurs.
Avec les plantes aromatiques et médicinales, une usine de production d’huiles essentielles pour la médecine et la cosmétique fait vivre quelques familles.
Côté mer, les pêcheurs ont dû s’adapter à l’intrusion de nouvelles espèces de poissons « tropicaux » et à des invasions régulières de méduses. De nouvelles recettes sont nées...
La faune a peu changé, il reste encore des sangliers sur l’île et pas mal d’oiseaux qui trouvent à se nourrir avec une certaine prolifération d’insectes.
La forêt a souffert et des espèces ont disparu, remplacées par d’autres plus résistantes, une grande priorité est donnée à la protection et la lutte contre les incendies.
LA VIE TOURISTIQUE
Du fait de la montée des eaux, des épisodes de chaleurs intenses et des dérèglements qui génèrent des vents violents ou de fortes pluies, les plages ont perdu en attractivité.
Elles ont fortement rétréci, si ce n’est disparu, et les abords ont été aménagés ; on a posé des filets anti méduses et des petits pontons d’où peuvent partir des pédalos (redevenus à la mode). Les arrières plages ont été aménagées à l’ombre, avec quelques aires de jeux pour les enfants et des tables et bancs pour piqueniquer.
Parallèlement un tourisme plus culturel s’est développé. Dans le village, des artisans et des artistes ont pu s’installer ; un lieu polyvalent a été créé servant de salle d’expositions, de concert, etc.
Les forts, réhabilités, peuvent accueillir des artistes en séjour et proposent des expositions ethnographiques sur le patrimoine des îles.
Fondation d’art contemporain, Festivals de musique, jardins de sculptures, visites guidées sur la faune et la flore, Stages à thèmes, etc.
Aujourd’hui je reviens sur cette île. Ce n’est plus l’île que ma grand-mère avait connue quand elle était jeune et dont elle nous parlait avec émotion. Le village, toujours habité à l’année, a pu maintenir son école et un médecin. La vie culturelle s’est développée et constitue un nouvel attrait. Mais l’inquiétude demeure car notre ile reste vulnérable face à la monté globale des températures, aux désordres climatiques et à la perte de biodiversité. L’homme sera-t-il assez raisonnable pour enfin écouter la nature ?