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Ecologie/Développement durable
Résumé. Une réserve naturelle terrestre et marine dans le NW de la Méditerranée, Scàndula (Corse) : Biodiversité et enseignements de 46 ans de gestion. La Réserve naturelle de Scàndula (RNS) est à la fois terrestre (919 ha) et marine (664 ha). Elle a été créée en 1975. Elle comporte une réserve intégrale (No-Take Zone) de 82 ha, où toute forme de pêche est prohibée, et une réserve partielle où la pêche artisanale est réservée aux pêcheurs autorisés (sous réserve d’un certain nombre de contraintes) mais où la pêche de loisir est interdite. Le site a été fréquenté par l’homme depuis le Néolithique, mais n’a jamais abrité d’habitats permanents ; il est maintenant inhabité. Les écosystèmes terrestres comportent des forêts et des maquis élevés, des maquis bas, des cistaies, des fruticées basses, des pelouses plus ou moins nitrophiles, des peuplements de rochers maritimes halophiles, des peuplements de rochers et falaises non maritimes, ainsi que d’autres communautés très localisées. Cinquante espèces d’oiseaux (46 % de l’avifaune de Corse), dont l’emblématique balbuzard Pandion haliaetus, 8 espèces de chauves-souris, 12 espèces d’amphibiens (dont Discoglossus sardus), 33 espèces de fourmis, 64 espèces d’hyménoptères parasites, 56 espèces de lépidoptères, 138 espèces d’araignées, 710 espèces de plantes vasculaires (un tiers de la richesse floristique de la Corse) et 57 espèces de bryophytes ont été recensées à Scàndula. Les mammifères non-volants sont tous des espèces introduites, qui ont remplacé la faune indigène, exterminée par l’homme après qu’il ait peuplé la Corse, il y a environ 10 000 ans. Les petites îles et îlots présentent une forte originalité dans la structure et le fonctionnement des communautés terrestres et dans leur biodiversité.
Durant l’optimum climatique de l’Holocène (environ 7 500 à 4 800 ans BP), la forêt était dominée par la bruyère arborescente Erica arborea et l’arbousier Arbutus unedo. Le chêne vert Quercus ilex était alors confiné à des situations rupicoles et son rôle était négligeable ; ce n’est qu’après les défrichements et le développement du pastoralisme qu’il a étendu son emprise. Le site de la RNS, en apparence très naturel et sans impact humain, est en fait l’héritage d’une pression agro-sylvo-pastorale ininterrompue depuis des millénaires. Toutefois, en l’absence presque complète d’impact humain depuis plus de 50 ans, en l’absence d’incendies et avec une pression réduite de paturage par les vaches et les chèvres, la dynamique naturelle du peuplement s’accélère. La végétation est en évolution rapide et, entre 1983 et 2007, par exemple, la surface du maquis élevé a doublé.
Les écosystèmes marins hébergent 454 espèces de macroalgues (90 % de la flore de Corse), 32 espèces d’échinodermes, 265 espèces de mollusques (dont Patella ferruginea et Pinna nobilis), 8 espèces de limaces de mer et 142 espèces de poissons (dont le mérou Epinephelus marginatus et le corb Sciaena umbra). Par ailleurs, le nombre élevé de parasites témoigne de la bonne santé des écosystèmes. Les forêts de grandes algues brunes du genre Cystoseira sont bien représentées ; contrairement à une grande partie de la Méditerranée, elles n’ont pas été éliminées par le surpâturage, conséquence de la surpêche. La diversité des écosystèmes comporte également les trottoirs à Lithophyllum byssoides, les herbiers à Posidonia oceanica et les concrétionnements coralligènes. La patelle géante Patella ferruginea, espèce en régression dans une grande partie de la Méditerranée, est présente. La grande nacre Pinna nobilis a été particulièrement abondante dans la RNS, avant d’être récemment décimée par une maladie. Le corail rouge Corallium rubrum, surexploité depuis des siècles en Méditerranée, a présenté à Scàndula (avant une récente vague de chaleur) des biomasses et densités incroyables, peut-être représentatives de la baseline. Le phoque moine Monachus monachus a été méthodiquement exterminé par les pêcheurs, au début des années 1970s, juste avant la création de la RNS ; il serait intéressant de réexaminer objectivement les raisons de ce massacre : était-il vraiment un compétiteur des pêcheurs, ou bien simplement un bouc émissaire commode ?
Globalement, la réserve naturelle de Scàndula a été un indéniable succès. Elle le doit à près de 50 ans d’une protection sans concession et d’une gestion efficace, à des agents et conservateurs passionnés, à une symbiose entre direction, agents et scientifiques
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indépendents et à un Conseil scientifique qui n’était pas une vitrine. Parmi les succès les plus remarquables figure la reconstitution de la population de balbuzard Pandion haliaetus, presque éteinte au début des années 1970s et la coexistence d’une pêche artisanale rentable avec une biodiversité marine peut-être proche de la baseline. Mais ces succès cotoyent des échecs. Le décret de création de la réserve, aujourd’hui inadapté, n’a jamais été mis à jour ; la surfréquentation par les bateaux, en particulier les bateaux de promenade, n’a pas été anticipée, ni limitée, et est devenue hors de contrôle ; la dégradation des herbiers à Posidonia oceanica et l’échec de la reproduction des balbuzards en sont des exemples ; la réserve, trop petite pour être efficace, n’a pas été agrandie. Le Conseil de l’Europe, sur la base de la non-réponse à ses demandes de longue date, a retiré à la RNS son diplôme, en 2021.
Le site de Scàndula est aujourd’hui l’une des régions les mieux connues de Méditerranée. De plus, la RNS a constitué une sorte de start-up scientifique : de nombreuses découvertes majeures, avec des implications fortes pour la gestion, sont nées à Scàndula. Malheureusement, le succès de la RNS, emblématique en Méditerranée, pourrait être remis en question dans un proche avenir par une fréquentation incontrôlée qui risque de tuer ce qui constitue la justification de la réserve et son attractivité pour les touristes.
Mots-clés : Balbuzard Pandion haliaetus, Corse, Domaine terrestre, Effet réserve, Fréquentation, Gestion, Patelle géante Patella ferruginea, Pêche artisanale, Phoque moine Monachus monachus, Réserve naturelle, Trottoir à Lithophyllum byssoides.
Authors | Charles-François BOUDOURESQUE, Jean-Marie DOMINICI, Olivier DURIEZ, Patrick ASTRUCH, Laurence LE DIRÉACH, Frédéric MÉDAIL, Enric SALA, Thomas SCHOHN, Nardo VICENTE |
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Editor | Parc national de Port-Cros |
Number of pages | 140 |
Reference | Sci. Rep. Port-Cros Natl. Park, 35: 43-181 (2021) |